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''À table... les petits !'' NOUVELLE REV
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Cet article, destiné aux professionnels de la Petite Enfance et aux parents (à l'occasion de la publication du numéro 90 de la revue Le Furet), vise à donner quelques conseils de prévention face à un enfant qui présente des difficultés alimentaires, hors pathologies spécifiques.

 

 Quand l’oralité alimentaire est troublée : quelques conseils qui ne mangent pas de pain.

 

Tout parent ou professionnel de la Petite Enfance a déjà été confronté au refus d’un bambin de goûter à un aliment. La néophobie alimentaire - ou le refus de manger un aliment nouveau - fait d’ailleurs partie de la norme dans le développement de l’enfant, elle ne doit pas inquiéter outre mesure.

Dans d’autres cas, le refus de s’alimenter prend une forme plus sévère et nuit réellement au plaisir de manger, si cher à notre culture. Il faut alors veiller à ne pas passer à côté de ce que l’on appelle trouble de l’oralité alimentaire.

 

Mais de quoi s’agit-il exactement? Est-il possible d’intervenir en amont d’une prise en charge spécifique ?

Le corps paramédical, comme l’orthophonie, est en effet en mesure prendre en charge le trouble de l’oralité alimentaire. Le phénomène intéresse tout particulièrement la pratique orthophonique. Il n’est désormais plus à prouver que la structure appelée sphère oro-faciale est à la fois dévolue à l’alimentation, à la respiration et à la parole. De ce fait, si une de ces fonctions est amenée à être troublée, cela peut avoir un réel impact sur les autres, le bon développement de l’enfant risquant alors d’être entravé. Il est nécessaire d’agir le plus tôt possible pour empêcher cela.

 

Dans quels cas s’alarmer ?

Il convient de s’inquiéter lorsque ce n’est plus la simple volonté de l’enfant qui est en jeu mais sa possibilité à accepter, voir, sentir, mettre en bouche ou avaler un aliment en particulier : parce que celui-ci contient des morceaux que l’enfant a du mal à appréhender, ou bien parce que sa texture – ou encore sa température - lui sont étranges. Chez le nourrisson également, la prise du sein ou du biberon représente parfois un véritable calvaire pour l’enfant, et a fortiori pour son entourage.

 

Quels comportements sont révélateurs du trouble de l’oralité alimentaire ?

Des premiers jours de vie, en passant par la période de la diversification alimentaire, jusqu’à une éventuelle expérience traumatisante (étouffement, fausse route alimentaire), des signes du quotidien sont visibles et peuvent être la preuve qu’un trouble de l’oralité alimentaire est en train de s’installer chez l’enfant. A noter qu’un comportement pris isolément ne signe pas forcément le trouble en question. C’est sa persistance qui peut inquiéter et en cas de doute, il ne faut surtout pas hésiter à demander conseil à un-e orthophoniste qui vous proposera de pratiquer un bilan si nécessaire.

Certaines attitudes d’opposition sont révélatrices : fermeture volontaire de la bouche qui empêche l’absorption de l’aliment, enfant qui se détourne physiquement de la cuillère tendue ou qui la repousse avec la main. Des mimiques faciales également peuvent apparaître en signe de dégoût ou d’inconfort.

Il arrive que les signes soient plus tardifs et qu’au moment où l’aliment atteint la bouche ou quand il est avalé, des haut-le-cœur apparaissent. L’enfant peut même présenter une sensibilité exacerbée, c’est alors que cette réaction apparaît rien qu’à la vue ou au toucher de l’aliment en question.

 

Quelle démarche adopter ?

On imagine bien que le premier conseil à donner est surtout de ne pas adopter une attitude de « forçage » vis-à-vis de l’enfant lorsque ce qui est lui proposé est au-delà de ce qu’il peut supporter. Au contraire, un climat de confiance et de tolérance doit s’imposer, pour ainsi éviter tout risque d’augmentation et d’ancrage des difficultés.

Pour l’aider à prendre confiance, si un aliment refusé est repéré en particulier, et selon l’âge de l’enfant, proposez-lui d’y avoir accès par la vue, le toucher, avant de le lui faire goûter. Pourquoi pas le faire participer à la réalisation de la recette dès le plus jeune âge ou si cela est trop pour lui, simplement le laisser regarder faire et y mettre des mots ? Surtout n’agissez jamais en traitre, et plutôt que de cacher l’aliment refusé parmi d’autres, proposez clairement l’aliment refusé dans la même assiette mais à côté d’un aliment apprécié.

 

Pour favoriser la détente et désensibiliser, si vous présumez que l’enfant a certaines particularités sensorielles plus globales au niveau corporel, comme un sens du toucher exacerbé ou au contraire peu développé, allez-y en douceur, respectez son rythme (lent comme rapide) et aidez-le à appréhender ces sensations en amont de l’acte alimentaire : comptines autour du visage, bruitages d’animaux et grimaces, jeux sensoriels à adapter selon l’âge (jeu de loto des odeurs, petits jeux avec des balles sensorielles, …).

 

Parfois, ce n’est pas l’aliment en-lui même mais sa texture (collante, visqueuse, présence de morceaux…) ou sa température qui ne sont pas bien tolérés par l’enfant. Soyez-y attentif-ve, et faites preuve de créativité pour transformer la matière.

 

Enfin, manger demande une participation chez tout bébé et chez tout enfant. Mais si l’activité demande trop d’efforts de leur part, elle peut être freinée et les temps de repas s’éterniseront. Veillez à installer le bambin convenablement, de manière adaptée à son âge (en favorisant des appuis stables au niveau du dos, de l’assise et des pieds), et à éviter les distractions.

 

Pour que manger reste un plaisir partagé, n’oubliez pas de valoriser les efforts de l’enfant et offrez-lui tout un panel de couleurs, saveurs, odeurs dans son assiette et ce, dès son plus âge.

 

Quand consulter ?

Si toutefois malgré les adaptations mises en place vous êtes toujours face à un enfant qui peine à manger et/ou pour qui les apports nutritionnels ne semblent plus suffisants, n’hésitez pas à faire appel à un spécialiste. Via un médecin prescripteur il est possible d’avoir recours à une prise en charge orthophonique qui visera à réduire le trouble et à accompagner la famille dans cette démarche.

 

Quelques références :

-Amuse Bouche pour difficultés alimentaires de l’enfant : J.Don, M.Gaquière, A.Lecoufle, A.Vanmalleghem, J.Vouters, V.Leblanc

http://oralite-alimentaire.fr/wp-content/uploads/2015/08/Amuse-Bouche.-Livret-oralit%C3%A9-parents.pdf

-Association Gourmandys : http://gourmandys.e-monsite.com/

 

Flora GENDRAULT, orthophoniste membre d’OPAL, juillet 2018